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17 mars 2006

À la rencontre des familles maliennes d’origine marocaine

                 

Les cinq         cents habitants du village de Boujebaha, dans les environs de Tombouctou,         sont d’origine marocaine. Il y a déjà trois siècles         qu’ils s’y sont installés. Ils conservent de nombreux         documents et lettres historiques. Le report de la visite de SM le Roi         Mohammed VI au Mali a été durement ressenti.

      

Loubna         Bernichi

      

 

   
      

         • Abderazak Ben Bara.

      

 

   
      

La nouvelle de la présence d’une journaliste marocaine à Bamako se répand. Les plus curieux ont appris que je réside à l’hôtel Mirabeau, situé au quartier le Fleuve. Un établissement hôtelier connu pour être le pied à terre des journalistes étrangers venus faire des reportages au Mali.
        Après la nouvelle du report de la visite royale, les premiers visiteurs        commençaient à venir. Le Président du Comité        Africain de Soutien à SM le Roi Mohammed VI (CASRM VI), Modibo         Sidibé, et la secrétaire générale, Diop Aïssa         Maïga, ont demandé à me rencontrer. Ils voulaient avoir        la confirmation de ce report et s’assurer que ce n’était         pas une annulation. Ils vouent au Royaume un attachement indescriptible.
        Les membres de cette association à but non-lucratif sont pour la         plupart d’anciens lauréats des écoles et des universités        du Royaume. Pour eux, le Maroc est un modèle d’ouverture,         de modernité et d’émancipation de la femme. À         part les préparatifs de la visite royale, le CASRM VI a toujours        milité pour l’intégrité territoriale du Maroc.        Il est vrai que le Mali avait en 1976 reconnu la république sahraouie         (RASD) proclamée par le Polisario. À cette période,        le Maroc avait cessé toutes relations diplomatiques avec les autres         pays africains ayant adopté la même position sauf avec le         Mali, affirme l’ambassadeur du Maroc au Mali, R’chock Oubass.        

      

Distances

      

Parfois, les décisions politiques ne reflètent pas la volonté du peuple. C’est manifestement le cas de la décision de Bamako de reconnaître la RASD. Nombreuses sont les personnalités civiles de tous bords dans ce pays qui continuent de prendre leurs distances de l’attitude officielle sur cette question régionale.

      

         • Abderhaman Youba Boujebahi.

      


        La famille Ben Bara en est l’illustre exemple.
        Leur grand-père, Sidi Ali, est né et a habité Tindouf,         du temps où cette ville faisait partie du Royaume du Maroc, mais         actuellement située de l’autre côté de la frontière         algéro-marocaine. Commerçant influent, il avait une grande         notoriété. Il entretenait des correspondances régulières         avec le Sultan du Maroc. En 1910, il a immigré à Tombouctou         pour des raisons professionnelles sans pour autant couper les ponts avec         Tindouf, puisqu’il avait toujours son commerce là-bas. Il         vivait au nord du Mali, jadis Soudan français, en tant que Marocain         et était fier de ses origines.
« La décision du gouvernement français d’incorporer la ville de Tindouf à l’Algérie au début des années cinquante a beaucoup affligé mon grand-père. Il a cessé de se rendre à sa ville natale et il a abandonné tous ses biens », regrette le petit-fils Abderazak Ben Bara, commerçant de son état, âgé de 42 ans et résidant à Tombouctou.
À l’ouverture de l’ambassade marocaine au Mali, en 1960, la famille Ben Bara a été reconnue en tant que marocaine. Le petit-fils garde jalousement le document portant le sceau royal délivré par l’ambassadeur et prouvant ses origines.

      

Primes

      

Après l’indépendance de l’Algérie, en 1962, les autorités algériennes ont récompensé des habitants du nord du Mali pour avoir aidé ou accueilli l’Armée de libération algérienne. Ils ont offert des primes aux habitants de Tindouf pour les rallier à leur côté. Ils ont même donné à quelques familles le titre des Moujahidines. Sidi Ali Ben Bara a refusé de revenir à Tindouf, malgré les appels répétitifs du gouvernement algérien. Ce titre lui aurait valu un salaire mensuel et un logement de fonction, mais il a renoncé à tout plutôt que de servir les desseins des ennemis de sa patrie.
« Mon grand-père a toujours dit non. Il était Marocain et non pas un Algérien. Il ne voulait pas être un traître et renier sa patrie. Pour tout l’or du monde, il ne l’aurait pas fait. Son âme était au Maroc et son corps au Mali, et ce ne sont pas des frontières fictives qui vont modifier les choses. Jusqu’à son dernier souffle, il a réitéré son attachement et son amour pour le Maroc. Sa dernière volonté est que nous restions sur la même position et que nous ne soyons pas des vendus », affirme Abderazzak.

      

Protection

      

À 220 km au nord de Tombouctou, en plein milieu du désert, se trouve un village nommé Boujebaha. Les cinq cents habitants qui y vivent sont d’origine marocaine. Il y a déjà trois siècles qu’ils s’y sont installés. Jusqu’au début du vingtième siècle, ils ont vécu sous la protection du Sultan du Maroc et ont été exonérés d’impôt. Ils ont toujours entretenu des relations très étroites avec leurs ancêtres marocains et conservent de nombreux documents et lettres historiques. Ces nomades vivent dans le dénuement le plus total. Leurs habitations sont construites en terre et leur village ne dispose d’aucune infrastructure. Ni école, ni hôpital, ni souk. Ils font leur marché mensuel à Tombouctou à dos de chameaux. Ce qui demande beaucoup de temps. Environ dix jours aller-retour.
Abderhaman Youba Boujebahi, l’un de ces villageois, commerçant à Bamako, est le seul à posséder une voiture tout terrain. De temps en temps, il rend visite à ses parents et profite de la même occasion pour faire les courses et s’enquérir des nouvelles des siens. Il est la seule personne qui les relie à la civilisation. Malgré leur mode de vie rudimentaire, les habitants de Boujebaha ont gardé les traditions et les coutumes de leurs ascendants.
La pancarte située à la sortie du village indiquant 52 jours à dos de chameaux de Tafilalet est le témoignage le plus éloquent de leur attachement à leurs origines. Leur seul regret est que le cordon ombilical avec le Maroc soit coupé. Malgré leurs multiples demandes pour renouer les rapports, ils n’ont pas reçu d’échos.

      

Passion

      

La ville qui porte au plus profond de son âme la passion du Maroc, c’est Tombouctou. « Exquise, pure, délicieuse, illustre cité bénie… », comme l’a décrite le chroniqueur Abderrahman Saâdi, auteur du Tarikh es-Soudan. La cité mystérieuse continue à manifester une grande affection pour le Maroc. Sous la dynastie des Saâdiens, en 1591, le Sultan de Marrakech avait envoyé une expédition militaire pour conquérir le Soudan. Voici cinq siècles déjà, Tombouctou était l’agora des négociants et des banquiers. Près de douze mille chameaux, chaque année, transitaient par cette cité. Centre de ralliement des chameliers du Sahara et des bateliers du Niger. Du Maghreb et du Sahara affluaient les chargements de sel, d'épices, de soie, de cuivre ou d'étain. Du sud arrivaient des pirogues entières de noix de kola, d'or, d'ivoire, de plumes d'autruche et d'esclaves. Tombouctou était aussi la ville du savoir. La mosquée de Sakoré abritait une medersa au rayonnement international où des étudiants de tout le monde musulman venaient compléter leurs connaissances. Des jurisconsultes marocains de Fès faisaient le voyage de Tombouctou pour renouveler leur savoir.
La perle du désert a gardé les traces de la civilisation marocaine. Des familles d’origine marocaine y vivent encore. « On les appelle les familles chérifiennes parce qu’elles ont une descendance royale. Leurs femmes ont conservé l’élégance et le savoir-faire des femmes marocaines. Les habitants de Tombouctou ont une grande affection pour leurs grands-pères. Le report de la visite royale les a beaucoup infligés. Car, ils avaient confectionné des pagnes, des banderoles, des tee-shirts à l’effigie de SM et des drapeaux du Maroc », déclare Diop Aïssa Maïga.
        Lors de la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) qui s’est         déroulée au Mali en 2002, les fenêtres et les toits         des maisons à Tombouctou étaient ornés du drapeau         marocain. Ces manifestations de joie et de soutien au Maroc n’auraient         pas pu se faire, il y a une vingtaine d’années sous le règne         du dictateur Moussa Traoré, mais aujourd’hui avec le vent         de démocratie qui souffle sur le Mali, les cœurs s’ouvrent         et les langues se délient.

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