Bouteflika malade du secret d'Etat ?
Bouteflika au Val-de-Grâce pour une "visite de routine" ? Nombreux sont ceux qui n'y croient pas, envisageant plutôt une brusque aggravation de son état de santé
La version officielle de l'hospitalisation à Paris d'Abdelaziz Bouteflika - un suivi médical de routine - suscite de nombreuses interrogations dans les journaux français et la sphère politique. Le président algérien, qui est âgé de 69 ans, a été admis mercredi soir à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce pour un "bilan de santé" cinq mois après avoir été opéré d'un ulcère hémorragique à l'estomac.
"On ne doit pas nous prendre pour des naïfs", s'indigne Bernard Debré, député UMP de Paris et chef du service urologie de l'hôpital Cochin dans les colonnes du Parisien. "Ce qu'on nous annonce ne cadre pas avec ce qui se passe aujourd'hui", explique-t-il. "Quand un ulcère hémorragique a été traité puis guéri, il s'agit d'effectuer un simple contrôle fibroscopique, qui peut être fait dans n'importe quel hôpital algérien. On peut se demander pourquoi Bouteflika vient à Paris pour un contrôle aussi simple".
La rareté des informations sur l'état de santé du président algérien lors de son hospitalisation à Paris fin novembre avait alimenté diverses rumeurs, qu'Abdelaziz Bouteflika s'était efforcé de dissiper en apparaissant à la télévision avant son départ de France. On l'a vu depuis à l'occasion de plusieurs grands rendez-vous internationaux et en tournée en Algérie. Lors de l'un de ces déplacements, dimanche, il s'en est de nouveau pris à la France, qu'il a accusée de "génocide de l'identité algérienne" pendant les 130 années de colonisation.
Brusque aggravation
Pour les journaux
français, cette "sortie" virulente prouve que l'hospitalisation
d'Abdelaziz Bouteflika n'était pas prévue de longue date mais qu'elle
est due à une brusque aggravation de son état de santé. "On le voit mal
en effet s'en prendre aussi violemment à la France cinq jours avant de
venir y effectuer un contrôle médical au risque d'être moqué par des
Algériens incrédules face à une telle contradiction", écrit Libération. Selon Le Figaro,
cette nouvelle hospitalisation serait la troisième depuis
l'intervention chirurgicale de l'hiver dernier. Ces "fréquentes visites
accréditent la thèse d'une maladie beaucoup plus grave qu'un simple
ulcère, un cancer de l'estomac", estime Le Parisien.
Réélu en 2004 pour un second mandat de cinq ans, Bouteflika est considéré par de nombreux Algériens comme celui qui a ramené la paix après plusieurs années de violences islamistes. Lors de son retour à Alger, le 31 décembre, il avait été accueilli par des milliers de ses compatriotes, massés le long des grandes avenues de la ville. "Il y a un sentiment national très puissant en Algérie", confirme Benjamin Stora, historien spécialiste de l'Algérie, interrogé sur les propos anti-français de Bouteflika. "En même temps, la société algérienne considère que ses discours historiques sont surtout des discours à des fins politiques. Beaucoup d'Algériens ne sont pas dupes", a-t-il déclaré vendredi sur RFI.
Il y a à ses yeux plusieurs explications à cette
nouvelle attaque du président algérien. Alger considère notamment que
Paris est "trop engagé aux côtés du Maroc" dans le dossier du Sahara
occidental et a le sentiment que ses ressortissants ne sont pas traités
sur un pied d'égalité avec les Marocains et les Tunisiens en matière de
visas. "C'est un contentieux qui dure depuis plusieurs années et, dans
ce contexte, Alger s'est rapproché de Washington et même de Moscou" à
l'heure où l'Algérie, grand producteur de pétrole et de gaz, occupe
"une position très forte sur la scène internationale" en raison des
tensions sur les marchés énergétiques.
http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=3465