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21 mars 2006

L'accord Moscou-Alger met en cause l'équilibre au Maghreb

La signature d'un important accord d'équipement militaire entre la Russie et l'Algérie remet en question l'équilibre stratégique au Maghreb, estiment plusieurs spécialistes de la région. Annoncé vendredi 10 mars, lors de la visite de Vladimir Poutine à Alger, cet accord a surpris, tant par son montant financier - 7,5 milliards de dollars - que par la liste des matériels militaires visés, qui représentent le meilleur de la technologie russe.

Moscou doit fournir quarante avions de combat Mig-29 et vingt-huit chasseurs Soukhoï-30, ainsi que seize avions d'entraînement Yak-130, une quarantaine de blindés, huit systèmes de missiles sol-air S-300 PMU, et un nombre non précisé de matériels relevant de la "technologie navale et terrestre". Dans la région du Maghreb, aucun autre pays ne possède une aviation susceptible de rivaliser avec des Mig-29 et des Soukhoï-30. Quant au système antimissile S-300 - que Moscou refuse toujours de vendre à l'Iran -, il est considéré comme le nec plus ultra en matière de défense aérienne.

Encore ne s'agit-il que de la partie officielle de l'accord algéro-russe. Selon des sources diplomatiques, la Russie envisage de vendre trente Mig-29 supplémentaires à l'Algérie dans les années à venir. Alger pourrait donc, à terme, posséder une centaine d'avions de combat de dernière génération. Selon un spécialiste des questions stratégiques, la Russie estimerait ne plus pouvoir compter sur d'importants contrats d'armement avec la Chine et l'Inde, et elle souhaite faire de l'Algérie une chasse gardée en lui consacrant à l'avenir 20 % de ses exportations militaires (5 milliards de dollars en 2004).

L'accord du 10 mars prévoit, d'autre part, l'annulation de la dette militaire algérienne contractée dans les années 1960 et 1970, pour un montant de 4,5 milliards de dollars. Cette décision (dont les achats d'armement sont la contrepartie) revient à annuler près du tiers du total de la dette algérienne (environ 16 milliards de dollars), ce qui améliore sensiblement la position de l'Algérie au Club de Paris. Ces livraisons d'armement, qui pourraient être achevées d'ici à 2009, ont de quoi inquiéter le Maroc et la Libye.

L'Algérie a manifestement pour objectif de revendiquer un leadership au Maghreb. Et elle a les moyens de ses ambitions avec des réserves financières provenant de ses exportations de pétrole et de gaz, estimées à 60 milliards de dollars. Celles-ci lui assurent une suprématie naturelle sur le Maroc et la Tunisie, dont les réserves financières sont très inférieures. En outre, l'aviation marocaine dispose d'une quarantaine d'avions Mirage d'ancienne génération, et l'aviation de combat tunisienne est négligeable.

LES EUROPÉENS INQUIETS

Ce renforcement militaire de l'Algérie va être particulièrement ressenti en Libye, qui a longtemps fait figure de puissance dominante de la région. Bien qu'ayant opéré un aggiornamento diplomatique en renonçant à tout programme d'armes de destruction massive, le colonel Mouammar Kadhafi n'en revendique pas moins un rôle stratégique de premier plan. Après avoir cédé la plus grande partie de ses vieux Mirage F-5 au Pakistan, la Libye cherche à acquérir, entre autres équipements, des avions de combat modernes, et des discussions préliminaires se poursuivent à propos de l'achat de vingt-quatre avions Rafale.

La visite de Vladimir Poutine à Alger avait aussi un important volet civil sur la coopération énergétique. Les pays européens les plus vulnérables en matière d'approvisionnement en gaz, comme l'Italie, s'inquiètent de ces projets et redoutent la naissance d'un cartel de fait algéro-russe.

Laurent Zecchini - Le Monde.fr

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