Tifariti : un toponyme saharien à haut risque
Tifariti, Tifarity ou Tifarita est un toponyme façonné dans des sables
très mouvants- au sens périlleux comme au sens géodynamique du terme -
qui agitent les dunes très mobiles de cette partie du Sahara. Ce nom
d'une bourgade en ruine et abandonnée depuis longtemps, utilisée jadis
comme bivouac par les caravanes qui parcouraient le grand Sahara, est
devenu depuis peu un point de repère médiatique.
Ce
point qui se trouve dans un no man's land aux confins du Maroc, de
l'Algérie et de la Mauritanie (Latitude : 26° 8' 60 N ; Longitude : 10°
33' 0 W ), est une zone démilitarisée rattachée à la province de Smara
(ville distante d'environ 70 km) et constitue la ligne de démarcation
du cessez-le-feu signé par le Maroc et le Polisario sous l'égide de
l'ONU le 6 septembre 1991. A des fins de propagande, Alger qualifie
cette zone de « territoires libérés » mais du point de vue du droit
international et selon les différents accords, notamment l'accord de
Madrid en 1975 entre le Maroc et l'Espagne et les accords signés entre
les belligérants, cette zone est sous l'autorité marocaine et ceci
jusqu'à une issue à la question du Sahara. La Minurso qui dépend de
l'ONU est chargée de veiller au respect du cessez-le-feu et à
l'interdiction de toute activité militaire dans cette zone. Pour
rappel, cette région a servi, en 1912, de passage à l'expédition
française dans le but de prendre le Maroc en tenaille et a vu dans les
années 80, l'embryon d'une base militaire marocaine puis délaissée
après le cessez-le-feu.
Hormis l'intérêt stratégique et
l'admirable paysage saharien, le site ne présente aucun intérêt
économique établi pour être convoité par une puissance étrangère:
aucune ressource naturelle avérée dans son sous-sol; une maigre
biodiversité composée de quelques touffes de végétation steppique, de
minuscules pâturages, quelques chameaux domestiqués et une population
composée en majorité de nomades; la densité approximative est d'environ
50 individus par 10 Km2 ! La région abrite quelques bâtiments, une
piste d'atterrissage et une base de la Minurso est située à proximité.
-Evènement
Pourquoi
donc Tifariti, ignoré par beaucoup, attire aujourd'hui la curiosité des
journalistes et l'attention des agences de presse internationale ? Ce
toponyme, cache-t-il un danger dans ses sables mouvants ?
L'évènement
phare qui a animé la curiosité des médias est la célébration de « la
proclamation de la République arabe sahraouie démocratique » (RASD)
inventée il y a 30 ans à Tindouf par les services secrets algériens
dans le but de déstabiliser et d'affaiblir le Maroc et cela en brisant
sa continuité géographique naturelle par le Sud. Propagande oblige, les
médias algériens ont largement fait échos de cet évènement
exceptionnel. Et pour cause, le gouvernement algérien est l'unique
sponsor et le principal organisateur de ces festivités. Des ministres
algériens aux portefeuilles très spéciaux, dont le mandat se limite à
la nuisance à l'intégrité territoriale du Maroc, et des diplomates
accrédités à Alger, représentant pour la plupart des Etats hostiles au
Maroc, souvent qualifiés d'Etats délinquants ou voyous, ont franchi les
frontières sans visas ni formalités douanières pour assister à
l'anniversaire d'une république sans territoire, qui n'existe que dans
l'imaginaire diplomatique algérien. A cette occasion, plusieurs
milliers de personnes ont été déplacées de Tindouf à Tifariti et une
démonstration de force a même eu lieu sur place à travers un défilé
militaire exhibant un armement lourd et léger acheminé depuis le
territoire algérien.
Cette mise en scène nous rappelle
l'Algérie des années 70 où les dirigeants algériens, dont certains
encore en activité, multipliaient des actes anti-marocains et des
discours populistes enflammés à travers l'émission phare de l'époque «
Le Maghreb des Peuples » émise depuis Alger. Décidément, les pendules
d'Alger sont restées à l'heure et à l'ère soviétique où les slogans
utopiques enflammaient les foules et pourtant le monde a changé depuis.
-Détresse
Ces festivités ont eu quelques
jours après que des pluies diluviennes ont provoqué des inondations
causant d'importants dégâts aux habitations de fortune dans les camps
de Tindouf et ont fragilisé encore plus la situation humanitaire déjà
désastreuse dans ces camps. Selon le HCR, 50 % des habitations auraient
été détruites et les autres endommagées. Au moment où le programme
alimentaire mondial (PAM) lance un appel d'urgence aux donateurs pour
éviter les risques d'une sérieuse pénurie alimentaire aggravée par ces
intempéries, Alger était occupée par les préparatifs des festivités et
les chefs de guerre sous sa bénédiction, absents, menaient une vie
meilleure dans des capitales lointaines sans se soucier des conditions
de vie et de la souffrance des populations sous leur contrôle.
Déplacer
des sinistrés sans-abri et des innocents en masse à des kilomètres, à
cette zone désertique infestée de mines antipersonnelles et à la portée
de l'artillerie marocaine, pour faire figure de décor aux festivités et
s'en servir comme bouclier humain, relève de la pure ignominie et d'une
irresponsabilité diabolique, digne d'un état totalitaire.
Pour
quel intérêt ces provocations sans calcul, par la mise en danger de la
vie des populations civiles originaires du Sahara certes, mais aussi
d'un ramassis de réfugiés économiques des pays riverains candidats à
l'immigration clandestine… Nul ne s'étonne de l'inattention des
autorités algériennes au sort des sinistrés sahraouis sur son
territoire; même le peuple algérien ne cesse de manifester son
désespoir car il ne voit pas ses conditions de vie s'améliorer malgré
la bonne santé financière du pays due aux revenus pétroliers.
Décidément, le train de vie de la diplomatie algérienne est très
coûteuse au peuple algérien. Certains algériens se demandent jusqu'à
quand leur gouvernement continuera à dilapider leur ressources pour une
cause fallacieuse.
-Questions
Parmi les
questions que se posent de nombreux observateurs : pourquoi Alger a
choisi cette escalade par une mise en scène folklorique à Tifariti, à
travers une parade militaire en grande fanfare? Alger dispose-t-elle
d'un plan visant à évacuer les populations des camps de Tindouf vers
Tifariti ? Pourquoi Alger veut délocaliser aujourd'hui le Polisario
vers ce territoire? Est-ce un piège tendu au Maroc et qui vise à le
provoquer pour signifier la fin du cessez-le-feu et entraîner ainsi la
région dans une instabilité en sa faveur? Alger cherche-t-elle à
perpétuer ce statut-quo de « ni guerre, ni paix », et à perdurer le
conflit pour les besoins de son équilibre géostratégique et sa
stabilité politique interne ? Enfin, cet acte de provocation à l'égard
de son voisin de l'ouest risque-t-il de briser l'accord du
cessez-le-feu et mettre le conflit dans une impasse et un enlisement
total?
Certains observateurs estiment que depuis que l'opinion
internationale commence à découvrir l'ingérence flagrante de l'Algérie
dans la persistance du conflit du Sahara, les stratèges algériens
cherchent à se débarrasser par tous les moyens de leurs invités
encombrants à Tindouf pour se déculpabiliser. Ainsi, la libération
récente des soldats marocains rentre dans ce cadre. En effet, les
schémas stratégiques d'Alger visant à amputer le Maroc de sa continuité
géographique naturelle, schémas liés à ses rêves géopolitiques nés au
lendemain de son indépendance, sont aujourd'hui connus de tout le
monde. De même, tout le monde sait aujourd'hui que le Polisario n'est
qu'une œuvre algérienne et la cause du peuple sahraoui n'est
instrumentalisée qu'à des fins géopolitiques de domination. Après 30
ans de conflit, Alger a-t-elle conclu finalement à la
non-concrétisation de son projet de micro-Etat dans l'espace maghrébin?
D'autres observateurs estiment que depuis quelques temps, le
Polisario est encouragé par ses parrains algériens et certains milieux
espagnols à changer de stratégie et à regarder plutôt en direction de
Tifariti. Cette stratégie consiste à passer des contrats fictifs avec
des compagnies de prospection minière et à transférer les camps et la
logistique du Polisario à Tifariti pour devenir désormais le nouveau
siège du Polisario. Des institutions administratives et notamment un
parlement sont prévus dans cette nouvelle stratégie; des bâtiments en
chantier de construction ont été rapportés récemment par la presse.
Tout cela pour mettre le Maroc et la communauté internationale devant
le fait accompli.
En tout cas, on constate que dès que les
tensions sur la question du Sahara s'apaisent et que le Maroc s'apprête
à proposer une issue, Alger revient sur le devant avec de nouvelles
manœuvres pour l'enlisement de ce conflit et dresse des obstacles
devant les efforts déployés pour parvenir à une solution politique. Il
apparaît que la question du Sahara n'a jamais quitté l'agenda principal
de la diplomatie algérienne qui ne cesse de s'opposer à toute solution
politique et d'entraver toute initiative internationale pour régler ce
conflit. La proposition marocaine d'une large autonomie au Sahara
semble mettre mal à l'aise Alger, car elle offre la solution jugée la
plus adéquate par de nombreux pays. En résumé: plus le Maroc propose
des sorties et des solutions, plus Alger s'obstine à saboter toute
tentative de bonne intention pour désamorcer ce conflit.
Les
dirigeants algériens ne se soucient guère des intérêts des peuples du
Maghreb. Quand un pays s'approvisionne massivement en armes pour un
montant de 4 milliards de dollars, et ceci seulement du marché Russe,
sans les autres contrats conclus avec d'autres marchés, alors que ces
indicateurs sociaux sont au rouge, on est en droit de s'interroger sur
le but de ce gaspillage dans la ferraille. S'agit-il simplement d'une
question de défense et de modernisation de son arsenal militaire
vieilli ou bien d'une projection dans le futur proche pour une
éventuelle aventure d'intimidation ou pour impressionner les voisins ?
-Réactions
Cette
politique du pire et cette violation flagrante de l'accord du
cessez-le-feu pourraient conduire la région à des dérapages dangereux
et à un embrasement aux conséquences imprévisibles. Visiblement, le
Maroc est conscient de ces risques et la retenue de son armée ne peut
être interprétée comme un aveu d'impuissance. Le Maroc ne veut pas
répondre à la provocation par l'escalade militaire pour ne pas tomber
dans le piège tendu, à savoir une confrontation armée.
Cependant,
cette agitation qui s'apparente à un coup de bluff, mérite une action
diplomatique forte et une réponse ferme. L'État marocain est en droit
et devoir de les rappeler à l'ordre et leur signifier que si le Maroc a
accepté le cessez-le-feu, il n'est certainement pas prêt à revoir ces
faiseurs de chaos revenir au-devant pour imposer un fait accompli. La
diplomatie marocaine doit œuvrer pour convoquer une réunion du Conseil
de Sécurité et réclamer une résolution claire qui mettra les choses à
leur place, en exigeant le retrait du Polisario et donc des forces
algériennes de cette zone.
La Minurso et donc l'ONU assume
aussi une part de responsabilité, car sa fonction principale est de
veiller au respect du cessez-le-feu en interdisant toute activité
militaire dans cette zone. Dans ce cas, le devoir de la Minurso n'est
pas de faire des déclarations à la presse mais d'appeler solennellement
les intrus dans ce territoire, ceux-là qui se sont écartés de la
légalité internationale, à respecter les accords de ce cessez-le-feu.
Car par ce geste, Alger met en péril la paix déjà fragile dans cette
région. La responsabilité d'Alger est entièrement engagée dans cette
nouvelle tension qui menace la paix et la sécurité d'une région vitale
en méditerranée.
-Conclusion
Devant les
difficultés techniques de la mise en œuvre du Référendum, notamment les
désaccords sur la population appelée à voter, les Nations Unies ont
conclu à l'impossibilité d'organiser le référendum prévu par le plan de
règlement de 1990. Beaucoup de pays actifs sur la scène internationale
le jugent irréalisable. Depuis l'an 2000, l'ONU est engagée dans un
processus de recherche d'une solution alternative. Pour sortir de
l'impasse, le Maroc fait une concession majeure et propose une solution
équilibrée: Autonomie sous souveraineté marocaine. Le Conseil de
sécurité s'apprête à faire une nouvelle fois le point du dossier en
avril, et il jugera de l'opportunité de proroger le coûteux mandat de
la Mission de la Minurso dans la région.
Enfin, on ne peut
qu'être satisfait de voir un jour Alger raisonner en politique
étrangère en se basant sur les intérêts communs des peuples du Maghreb.
Quoi de plus normal d'assister un peuple, mais l'utiliser pour ses
schémas stratégiques, nous laisse un peu sceptique. Si vraiment Alger
veut favoriser la paix et prétend défendre la légalité internationale
et ses principes, il faut impérativement qu'elle mette ces ambitions et
ces rêves de côté, car ils ne répondent plus aux réalités
d'aujourd'hui, et ceci en s'impliquant dans un véritable processus de
négociation voulu par tout le monde.
Mohamed SIHADDOU - Ingénieur en Télédétection - Toulouse/Fra
Emarrakech.com