Comme
si, également, les démonstrations organisées par les autorités
algériennes à Tifariti -trois ministres présents, une «impressionnante»
logistique, une armada d'invités étrangers ciblés, du marketing
politique- étaient nouvelles ou allaient changer quoi que ce soit de la
réalité intangible : à savoir le soutien officiel algérien aux
mercenaires proclamé depuis trente ans, la mystification du conflit
maroco-algérien …
Que le gouvernement d'Alger mette en musique
une démonstration aussi tapageuse à Tifariti, accompagnée des
logomachies habituelles sur « l'autodétermination du peuple sahraoui »,
« le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes», n'est pas simplement
révélateur de l'obsession antimarocaine.
Elle intervient, en
effet, à quelques semaines des débats des Nations unies sur le dossier,
alors que le Royaume du Maroc s'apprête à rendre public son plan de
«large autonomie» au Sahara qui est au conflit d'aujourd'hui ce que
l'issue est au tunnel. Une voie d'accès honorable, royale même vers la
paix. Bien sûr, ce serait se méprendre gravement sur l'irrédentisme
algérien, connu depuis belle lurette et lorgnant constamment sur les
territoires marocains.
Le concept d'autonomie qui revient dans
la bouche de plusieurs responsables n'est pas un concept fétiche, il
dit bien ce qu'il dit, c'est-à-dire une large liberté de manœuvre, la
traduction d'un statut respecté et reconnu comme dans les familles, des
perspectives de développement intégré, la dignité préservée.
S'agissant
du Sahara, le concept fonctionne d'une part en s'inspirant des modèles
existant, aussi bien en Espagne avec les « regiones autonomas» (régions
autonomes), qu'en Allemagne avec les Lander ou en Suisse avec son
système confédéral, d'autre part en réalisant leur synthèse pour
l'adapter au système démocratique du Maroc.
Manifestement, il
n'est pas de système politique plus avancé dans la vision moderne que
le fédéralisme, et la tendance internationale, qu'il s'agisse de
l'Union européenne, des Etats-Unis, des pays de l'Europe Centrale voire
de la Russie, est ni plus ni moins que la constitution, la
mondialisation aidant, de grands ensembles géoéconomiques viables.
Puisqu'une
telle vision fonctionne un peu partout, puisque l'objectif proclamé est
l'unité et la prospérité des peuples, enfin au regard de la propension
fédérative des ces derniers -la culture musicale et le coca-cola le
font déjà-, pourquoi le Maghreb serait-il différent ou s'écarterait-il
d'une logique unitariste ? Tout simplement parce que la volonté
affichée des dirigeants algériens consiste à combattre une telle
initiative et à faire avorter tout projet de solution politique au
Sahara.
Ce n'est pas nouveau, non plus l'ambivalence cultivée et
entretenue dans ce dossier par l'Algérie. Entre 1974 et 1981, Alger
s'était fait le champion, le héraut de l'autodétermination du « peuple
sahraoui », réclamait à cor et à cri un « référendum
d'autodéterrmination » au Sahara. Au sommet de l'OUA de Nairobi,
organisé en 1981, feu S.M. Hassan II, amicalement saisi par des pays
frères et amis, accéda à cette revendication alors que rien ne l'y
poussait, et proclama devant les chefs d'Etat africains son accord au
principe de référendum sous l'égide des Nations unies.
On
pensait qu'Alger allait non pas applaudir- nous n'en demandions pas
tant ! - mais accepter l'initiative Royale et s'inscrire dans la
nouvelle dynamique que l'Onu reprenait à son compte avec soulagement et
bonheur. Las ! L'Algérie changea le fusil d'épaule, combattit avec
violence le référendum avec la sinistre complicité d'un Edem Kodjo,
ci-devant secrétaire général de l'OUA, en bloquant tout simplement les
initiatives de recensement prévues pour la mise en œuvre du référendum
par les Nations unies…
Pas de solution militaire à l'avantage
des stipendiés du polisario, paravent masqué de l'Algérie, pas de
référendum ! Pas de plan de Perez de Cuellar, de James Baker non plus !
Que restait-il alors ? Le plan de partage du Sahara concocté et lâché
en désespoir de cause par le Président Bouteflika… On a frôlé avec
cette mascarade les abysses du cynisme. « Un tiens bon vaut mieux que
deux tu l'auras ! », dit le proverbe.
Cependant, le Maroc,
faisant de mauvaise fortune bon cœur, n'entend pas en rester à cet
immobilisme et à l'entrave continuelle des initiatives diplomatiques.
Son dynamisme démocratique, sa cohésion nationale, institutionnelle et
populaire, le renforcement de son front intérieur par la consolidation
avérée et reconnue de l'Etat de droit, contrairement à ce que
prétendent quelques petits apprentis sorciers, lui donnent les coudées
franches pour aller de l'avant et prendre aussi les devants. Le
principe d'autonomie au Sahara dans le cadre de la souveraineté
nationale constituerait, à coup sûr, l'initiative la plus audacieuse,
mais il redonnerait également au concept de régionalisation sa vraie
force, un contenu moderne au pluralisme, un inestimable horizon à
l'intégration des économies, des peuples et des destins de la région.
L'Algérie
voudrait-elle s'y opposer qu'elle ne le pourrait. Car la fatalité
géographique, économique, culturelle, anthropologique aussi nous
l'imposera tôt ou tard.
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