Mohammed VI propose l'autonomie
Pour contrer un référendum organisé par l'ONU et voulu par Alger et le Polisario, Rabat avance un compromis.
par José GARÇON
Interminable trente et un ans , le conflit porte sur une zone
désertique mais riche en phosphates que se disputent le Maroc et le
Front Polisario, soutenu par l'Algérie. Depuis 1975, on ne compte plus
les plans et les «émissaires spéciaux» de l'ONU usés par cette affaire.
Plaçant de multiples fois «au bord de la guerre» Alger et Rabat, les deux grands rivaux du Maghreb, ce conflit, bien que dit «de faible intensité»,
mobilise les diplomaties française et américaine. Générant des dépenses
militaires astronomiques, il bloque en outre toute construction du
Maghreb.
Alors qu'une fois de plus les Nations unies s'apprêtent à examiner ce dossier, le Maroc lance une offensive diplomatique d'envergure qui conduira, vendredi à Paris, Taïeb Fassi Fihri, son ministre adjoint des Affaires étrangères. Objectif ? Trouver une alternative au référendum d'autodétermination, que Rabat refuse et que l'ONU n'a pu jusqu'ici organiser pour cause de désaccords sur la composition du corps électoral.
Grain de sable. Le royaume chérifien n'a pas lésiné sur les moyens. Alors que l'on disait la région en proie à des «manifestations indépendantistes», le roi Mohammed VI y a effectué à partir du 19 mars une tournée de six jours, se rendant à deux reprises à Maatallah, un faubourg d'El Ayoune, chef-lieu du Sahara occidental et bastion du Polisario. Il y a réaffirmé que le Sahara occidental resterait marocain et qu'il «ne saurait être question d'en lâcher un seul grain de sable». Mais il a pris soin de compléter cette profession de foi par une proposition d'«autonomie» de cette zone annexée il y a trente ans par Rabat, proposition qui sera soumise prochainement aux Nations unies.
Conseil consultatif. Conscient de la nécessité de se concilier la population sahraouie pour que ce projet ait une chance de s'imposer au Sahara occidental, le souverain chérifien a relancé le «Conseil royal consultatif pour les affaires du Sahara». Cette instance, composée de notabilités sahraouies, qui était en sommeil depuis sa création dans les années 90, a été totalement renouvelée. Désormais, ses 141 membres sont des chefs de tribus, des anciens détenus politiques, des représentants des mouvements de jeunesse et de la société civile notamment des femmes. Mohammed VI les a appelés à transformer ce conseil en «une institution de développement, de mobilisation et d'encadrement des citoyens et en une force de proposition».
Durant sa visite, le souverain a inauguré une série de projets de développement évalués à 776 millions de dollars , et gracié 216 détenus au Sahara occidental dont 30 activistes emprisonnés pour avoir organisé l'an dernier des manifestations indépendantistes.
Cette offensive de charme convaincra-t-elle la population sahraouie, plutôt habituée jusqu'ici à la répression, de la volonté de Rabat de «gérer démocratiquement» le Sahara occidental ? Suffira-t-elle à réduire le soutien dont bénéficie le Polisario ? C'est le pari du «plan d'autonomie dans le cadre de la souveraineté du Maroc» lancé par le royaume chérifien. Celui-ci espère y rallier l'ONU en mettant en avant à la fois «l'appui des Sahraouis» et des partis politiques marocains, consultés pour la première fois sur un dossier relevant jusqu'ici de la seule compétence du roi.
Eldorado. C'est loin d'être acquis. Le Front Polisario a rejeté par avance ce plan, et la virulence de la presse algérienne contre la visite de Mohammed VI au Sahara occidental présage d'un «niet» formel d'Alger, qui s'en tient à réclamer «l'organisation du référendum d'autodétermination prévu par les Nations unies». Nouvel Eldorado gazier et pétrolier, l'Algérie compte aujourd'hui sur les rivalités des grandes puissances qui se disputent ses faveurs pour faire échec au plan de règlement marocain.
Libération