«L’autonomie est une opportunité à saisir»
En octroyant aux provinces du Sud des pouvoirs d’auto-gestion, le Royaume aura apporté la solution la plus consensuelle pour mettre fin à un conflit qui n’a que trop duré. C’est ce qu’affirme Mustapha Bouh Al Barzani, ex-membre du bureau politique du Polisario.
ALM : Quelle lecture faites-vous du principe d’autonomie pour les provinces du Sud marocain ?
Mustapha Bouh Al Barzani :
Les Nations unies ont essayé maintes fois de trouver une solution à
l’affaire du Sahara. Premièrement, il s’est avéré que l’idée de
référendum n’est pas pratique. Après avoir déployé des efforts pendant
neuf ans pour établir une liste, l’ONU n’est pas parvenue à mettre en
pratique ce référendum. Aujourd’hui, cette notion est dépassée.
Deuxièmement, James Baker a tenté de trouver une solution à travers les
Plans 1 et 2, mais il a fini par jeter l’éponge, ses deux plans n’ayant
pu être appliqués non plus. Aujourd’hui, nous sommes devant une
nouvelle formule qui vise à trouver une solution mutuellement
acceptable. C’est la dernière formule des Nations unies. C’est dans ce
cadre qu’intervient l’initiative du Roi du Maroc d’octroyer aux
provinces du Sud une autonomie dans le cadre de la souveraineté
nationale. Je pense que le Maroc est en position de force, parce qu’il
propose d’octroyer des pouvoirs d’auto-gestion aux provinces du Sud. Il
faut constater, deuxièmement, que la majorité des Sahraouis qui sont
concernés par la solution se trouvent dans les provinces du Sud, aux
dires mêmes des Nations unies. Et puisque la solution concerne les
citoyens des provinces du Sud, le Maroc associe ses citoyens dans ce
processus à travers une discussion très large qui touche, au-delà des
partis politiques, les élites sahraouies, que ce soient les chioukhs,
ou les élus, ou les membres de la société civile. L’accueil qui a été
réservé à Sa Majesté le Roi Mohammed VI ces derniers jours à Laâyoune,
ou encore à Boujdour, est un véritable plébiscite pour la marocanité du
Sahara. Il faut y voir, également, un soutien à l’initiative royale, ce
qui nous permettra de prendre définitivement l’initiative. Quant à
l’autonomie elle-même, je suis partisan de son application, même en cas
de rejet de la part de l’Algérie et du Polisario. C’est ce que
j’appelle une autonomie à deux vitesses, c’est-à-dire que nous pourrons
commencer sans attendre l’avis des autres en octroyant des prérogatives
dans le cadre d’une régionalisation élargie dans les provinces du Sud.
Ce qui nous permettra un rodage du système, ainsi que la mobilisation
des forces unionistes pour affronter la deuxième vitesse avec des
négociations pour l’autonomie définitive. À mon avis, cette démarche
est assez crédible parce qu’elle mettra les unionistes sahraouis en
confiance. Elle servira, également et certainement, d’appât très
important pour amener beaucoup de cadres et d’indécis du Polisario qui
n’attendent qu’une bouée de sauvetage pour quitter l’emprise
algérienne. Pour résumer, le Maroc doit entreprendre les premiers pas
dans l’autonomie sans attendre l’aval de quiconque. La deuxième phase
de l’autonomie qui sera, elle, définitive, sera close sous les auspices
des Nations unies pour mettre fin à un conflit qui n’a que trop duré.
Ce
projet, malgré tous les avantages qu’il apporte, est pourtant rejeté
d’avance par le Polisario. Comment expliquer-vous cette attitude ?
Le
Polisario se résume aujourd’hui à une banderole dont l’un des côtés est
tenu par l’Algérie et l’autre par Mohamed Abdelaziz. Et ils sont en
train de vendre des mirages à l’opinion publique internationale. Quand
on entend parler de «Plan de règlement», on se rend compte qu’ils sont
dans un autre temps puisque personne ne parle aujourd’hui de «Plan de
règlement», qui est mort-né. Les Nations-unies ne parlent aujourd’hui
que de solution négociée. On n’a pas besoin de génie pour savoir que
cette solution ne peut se faire que dans le cadre de la souveraineté du
Maroc qui s’appuie sur des éléments très forts. C’est le Maroc qui est
chez lui au Sahara. La majorité des Sahraouis soutiennent
l’appartenance au Maroc. Le Polisario est devenu une coquille vide
parce que nombre de ses éléments commencent à quitter le bateau qui
commence à chavirer. Le Maroc est donc aujourd’hui fort de l’appui de
la communauté internationale qui demande une solution consensuelle. Le
Maroc est fort parce qu’il est dans un processus de démocratisation
irréversible tourné vers l’avenir. Si, hier, le problème du Sahara a
existé, c’est parce qu’il y avait une logique de guerre froide et parce
que, en 1973, il y avait un déficit démocratique au Maroc. Aujourd’hui,
il n’y a plus de guerre froide, et le Maroc offre le seul exemple de
démocratie viable dans la région. C’est pour cela que le Royaume est en
train de trouver une solution démocratique pour l’affaire du Sahara.
Que
répondez-vous à certains qui disent que le projet d’autonomie est
contradictoire avec la régionalisation actuellement en vigueur ?
Il
n’y a pas de contradiction entre l’autonomie des provinces du Sud et la
régionalisation pour les autres provinces du Royaume. Il y a des
exemples dans le monde, surtout dans les pays très développés avec une
expérience séculaire de démocratie où il y a des autonomies et des
régions. Ce qui n’affecte en rien leur osmose et leur unité.
D’ailleurs, les pays les plus forts aujourd’hui au monde, et qui ont
une véritable cohésion sociale, sont les pays les plus décentralisés.
Je citerai en exemple le Canada, l’Espagne, l’Allemagne et les
Etats-Unis.
À l’ordre du jour
de la visite royale dans les provinces du Sud, figure la
restructuration du Conseil royal consultatif pour les affaires du
Sahara. Pourriez-vous définir les attributions de ce Conseil ?
Ce
Conseil aura, à mon avis, deux rôles : celui d’outil de consultation
auprès de Sa Majesté, mais vu sa diversité, il représentera les
attentes de la population. Ce Conseil servira également de conduit
entre les aspirations de la population locale et la volonté royale qui
est indéfectible quant au bonheur et à la prospérité de cette même
population.
La démocratie
doit également être accompagnée par des efforts de développement. Que
pensez-vous alors de l’action socio-économique du Royaume dans ses
provinces du Sud ?
La démocratie marocaine est, en effet,
doublée d’un développement économique et humain considérable. C’est un
développement tourné vers l’avenir, au moment où les autres qui ont un
cumul énorme dû à la rente pétrolière se tournant vers la ferraille
russe qui ne donnera aux citoyens algériens ni logement ni eau potable
ni soins de santé… Je dis aux dirigeants du Polisario, dont certains,
je le sais bien, ont un sens aigu de l’appréciation politique : ne
ratez pas, je vous prie, le train du Roi Mohammed VI, sinon vous
resterez malheureusement, éternellement, sur les quais de Lahmada.
Par : M’Hamed Hamrouch